William Rozé, Directeur exécutif de Capgemini Engineering

Capgemini est aujourd’hui un partenaire essentiel de Viva Fabrica !. Pourquoi avoir décidé de vous associer à cette initiative ?

 Capgemini constitue un acteur important de l’écosystème industriel et est donc particulièrement concerné par les problématiques qui lui sont associées. De par ses activités, notre entreprise a besoin de talents et a donc une part à prendre dans le travail de vulgarisation et de sensibilisation aux défis que rencontrent aujourd’hui l’usine.

En nous investissant dans la fondation Viva Fabrica !, notre objectif est d’aider à faire connaître et reconnaître l’industrie. Et à susciter l’intérêt des jeunes générations. Je veux donc les inviter à avoir une attention pour le monde industriel et leur rappeler que nous avons besoin d’eux pour atteindre les objectifs climatiques, digitaux et stratégiques de notre époque.

Il est également crucial de montrer aux femmes qu’elles ont toute leur place dans les métiers industriels. Capgemini est une société qui recrute de nombreux ingénieurs, dont 30 % de femmes. Ce chiffre est supérieur à la moyenne du secteur, mais doit encore être amélioré, jusqu’à l’atteinte de la parité. Nous y consacrons d’ailleurs beaucoup d’efforts toute classe d’âge confondue, notamment via Via Fabrica !.

Plus que jamais, l’industrie a besoin de talents, autant masculins que féminins.

Capgemini a été en première ligne des défis de recrutement au cours des dernières années et notamment du fameux « Big Quit » Comment avez-vous adapté votre approche employeur aux attentes des nouvelles générations ?

Je crois que les nouvelles générations veulent aujourd’hui travailler dans un milieu qui produit du sens. Leur emploi doit être une source d’épanouissement sans pour autant empiéter sur leur vie privée. Il doit également contribuer positivement à l’environnement qui les entoure. Sur ce dernier point, je tiens à souligner que l’innovation et la réduction des émissions de gaz à effet de serre font partie intégrante de l’agenda des entreprises que nous accompagnons.

L’industrie a saisi le rôle qu’elle a à jouer dans la transition environnementale de nos sociétés. Or, en tant qu’acteur de recrutement, Capgemini prend en compte ces attentes pour proposer des offres qui soient compatibles avec les aspirations des jeunes générations.

Pour faire simple, si je me trouvais face à un jeune de 25 ans et qu’il fallait le convaincre de rejoindre Capgemini Engineering, je soulignerais que le monde de l’industrie a amorcé le virage de la tech, et que les choses évoluent très vite.

C’est pourquoi nous avons besoin de jeunes pour développer de nouvelles idées, et créer des technologies innovantes, résilientes, décarbonées et digitales. En d’autres termes, notre approche employeur tend à montrer que Capgemini agit pour œuvrer au succès de notre réindustrialisation. Nous sommes notamment là pour leur donner les clés nécessaires à la création d’un futur engageant.

Pour autant, la création de la société positive à laquelle la jeunesse aspire tient avant tout à leur contribution. Nous avons besoin des jeunes pour penser et mettre en œuvre le futur !

L’industrie est sans doute l’un des secteurs qui innovent le plus, ce qui ne l’empêche cependant pas d’être régulièrement pointée du doigt pour son retard digital. Comment Capgemini prend-elle en compte et compose-t-elle avec les enjeux digitaux ?

À l’heure actuelle, des efforts colossaux sont réalisés pour réindustrialiser l’Europe et notamment la France en favorisant les circuits courts, en raccourcissant la supply chain, ou encore en renforçant l’efficience de la chaîne de production. Cela est permis par d’importants investissements et l’accompagnement de l’ensemble de nos clients via une roadmap bien définie. Le secteur industriel représente d’ailleurs près de 80 % de nos activités, dans des domaines aussi variés que l’aéronautique, la défense ou l’énergie. Autant de secteurs qui ont pour point commun la volonté de mener à bien leur transformation digitale, leur connectivité et leur robotisation.

De même, de nouveaux segments industriels, de la voiture électrique aux semi-conducteurs ont déjà vu le jour en France et devraient continuer à se développer. Pour ne citer qu’un exemple : la création des gigafactories ACC ou Verkor. Les bâtiments y sont massifs et la chaîne de production optimisée et digitalisée, ce qui montre que des progrès importants sont déjà en cours sur notre territoire. Ainsi, l’industrie est un secteur qui doit s’adapter, notre rôle étant d’accompagner les parties prenantes dans cette transformation.

Enfin, le processus de virtualisation fait également partie intégrante de l’équation environnementale. Le fait de créer des solutions digitales et autonomes permet d’améliorer nos modèles, de réduire le coût en énergie, d’intégrer de nouveaux outils ou encore de gagner en efficience et efficacité.

Bruno Grandjean, Ex-Président de la FIM

Bruno Grandjean, Président de la Fédération des Industries Mécaniques de 2016 à 2019 et de REDEX depuis 2005, fait partie des cofondateurs de Viva Fabrica !

Il a accepté de revenir sur la genèse de la fondation.

Aux côtés de plusieurs industriels, vous décidez en 2016 d’initier ce qui ne s’appelait pas encore Viva Fabrica ! alors que vous êtes président de la FIM (Fédération des Industries Mécaniques). Quel est le point de départ de cet engagement ?

 

Tout est parti d’une mobilisation de plusieurs chefs d’entreprises en faveur de l’industrie. Nous nous sommes rendu compte qu’il y avait un décrochage, voire une forme de malentendu avec les Français. L’industrie avait conservé une image à l’ancienne, un peu dépassée et vieillissante, qui n’était plus représentative de la réalité. Notre mobilisation visait à actualiser et redorer l’image de l’industrie en France, tout en suscitant des vocations industrielles chez les jeunes.

 

Avec d’autres industriels, je prônais l’importance du militantisme en faveur de l’industrie. Le faire en créant une fondation, c’est l’outil qui nous a semblé approprié pour valoriser l’intérêt général du secteur industriel. L’industrie est aussi un facteur de souveraineté, rouage indispensable de la prospérité. Nous avons senti l’importance collective pour le pays de se doter d’une industrie forte. C’est un pari réussi : en 2024, l’industrie, on ne parle que de ça !

 

Le secteur industriel est une fenêtre sur le monde, pour des territoires parfois marginalisés. Nous avons très vite affirmé notre volonté d’ouverture internationale. Les territoires industriels se sont immédiatement mobilisés à nos côtés ; je pense notamment à l’industrie méditerranéenne, qui a porté des initiatives fortes à Marseille et Nice. Il fallait valoriser la mise en relation de ces hommes et femmes via des projets technologiques ou industriels.

 

Pour redorer l’image de l’industrie et combattre cette incompréhension entre la société française et son industrie, quels ont été vos premiers axes de travail ?

 

Nous avons immédiatement voulu redonner une dimension collective au secteur industriel. Au-delà de problématiques purement industrielles, nous avons perçu un sujet plus large, sociétal et politique. Ce défi à l’esprit, nous avons façonné un outil capable de s’écarter de l’influence traditionnelle du lobbying pour investir le cadre de l’intérêt général et de la culture.

Nous avons cherché à mobiliser toutes les passerelles de notre écosystème. L’industrie ne se résume pas à ses chefs d’entreprises ! Il a fallu entraîner les salariés, les apprentis, les retraités, les jeunes, les professeurs, qui sont de véritables prescripteurs.

L’histoire politique française du XIXe siècle raconte un « problème culturel » avec l’industrie, toujours associée au conflit et à l’exploitation. Cela ne correspond absolument plus à la réalité. Nous avons voulu mettre un terme à ce malentendu en diffusant des valeurs positives et en nous tournant vers la jeunesse et l’avenir.

C’est pourquoi nous avons fédéré un mouvement collectif : à partir du moment où on transforme et on exporte des valeurs communes, il faut s’appuyer, non seulement sur les chefs d’entreprise, mais aussi sur les salariés, le tissu économique local, les filières de formation et la recherche.

Est-ce qu’un moment vous semble clé dans le parcours de la fondation ?

Un des moments phares, qui a permis de fédérer la totalité des familles de l’industrie (PME, ETI, grands groupes) autour de ces valeurs communes, c’est l’exposition qui a eu lieu au Grand Palais en 2018.

Nous avions choisi ce lieu, car l’industrie est intimement liée au monde de l’art et de la création. Il n’y a qu’à voir : Léonard de Vinci était un artiste et un ingénieur.

Selon moi, il s’agit d’un des premiers moments où nous avons envisagé de régler ce problème culturel autour de l’industrie. L’événement a produit ses effets : depuis 2018, nous voyons une effervescence de rapports, de séminaires, d’ouvrages et d’expositions sur la thématique de l’industrie.

L’industrie devient une composante de notre culture populaire contemporaine. Tant mieux !

Un autre temps fort, c’est le lancement de l’exposition autour du « Made in France » à l’Élysée, qui a désormais lieu tous les ans.

La clé de la réussite, c’est que nous proposons à des passionnés de se mobiliser pour valoriser ce qu’ils font : de l’innovation, des machines, des produits.

 

Nous ne faisons pas de la promotion, nous nous mettons au service du collectif. Je souhaite que ces valeurs et cet engagement prospèrent, car le combat n’est pas terminé.

Florent Menegaux, Président du Groupe Michelin

Michelin est mécène de Viva Fabrica ! depuis ses débuts, pourquoi cet engagement ?

Nous sommes aux côtés de la fondation Viva Fabrica ! depuis son premier rendez-vous à Paris, en 2018 !

Le grand succès rencontré auprès des jeunes publics nous a confortés dans la volonté de continuer l’aventure. Les raisons de l’engouement immédiat et de notre soutien tiennent au besoin réel de promotion des métiers de l’industrie. Notre monde est physique. Même la dématérialisation croissante d’un certain nombre de services repose sur des technologies matérielles. Tous ces éléments, indispensables à notre quotidien, sont le fruit de l’industrie, c’est-à-dire des personnes qui y travaillent.

Car l’usine est avant tout un corps vivant, une communauté humaine de personnes issues d’horizons variés et engagées vers un même but commun. Elles sont la preuve que l’usine est un lieu où l’on se développe, où l’on apprend de nouveaux métiers, où l’on partage et crée du lien avec ses pairs. L’industrie est donc à la fois l’endroit où se fabrique le monde de demain, et une université pour tous.

Michelin est un groupe d’envergure mondiale. Quelles différences de perception du secteur industriel relevez-vous entre les différents pays ?

La France se caractérise par une vision de son économie assez compartimentée. Il y a une forme d’imperméabilité. Nous voulons créer des ponts et du dialogue entre le monde apprenant des étudiants et le monde faisant des professionnels. C’est un levier d’attraction essentiel et un moyen pour les jeunes de se projeter.

L’innovation est importante pour rapprocher les jeunes de l’industrie. Cette dernière constitue l’un des atouts reconnus de Michelin, qui combine une histoire plus que centenaire et une capacité d’innovation remarquable. Comment combinez-vous ces deux aspects ?

L’entreprise et l’industrie ne sont pas un musée, mais des organismes vivants. Nous croyons au progrès humain, et les êtres humains progressent en permanence en concordance avec l’innovation. Cette capacité d’anticipation est le secret de la longévité de notre groupe. Aujourd’hui, Michelin se porte bien, et c’est notamment parce que nous nous donnons les moyens d’investir pour le futur.

En parlant d’anticipation, Michelin restera-t-il demain un acteur de pneumatiques ? Et quelle place pour l’innovation dans les produits fabriqués ?

Les produits de notre Groupe vont au-delà du pneumatique au sens strict auquel il est souvent associé. Parce qu’un pneu est un composite formidable, composé de plus de 200 matériaux, combinés avec des technologies uniques pour offrir des performances exceptionnelles. C’est cela notre métier : travailler sur des technologies de pointe pour fournir un objet du quotidien performant et fiable. Mais on ne s’arrête pas à ces produits du quotidien, nous allons plus loin, avec le développement d’applications visant à décarboner les transports, des roues destinées aux engins lunaires, ou encore des tissus capables de réparer le corps humain !

Nous anticipons et innovons en permanence, et avons d’ailleurs adopté un « index de vitalité » à même de mesurer la part de notre chiffre d’affaires imputable à nos nouveaux produits.

La signature de Michelin est « Motion for life », « le mouvement pour la vie ». Mais dans une société où l’empreinte carbone est scrutée, est-ce toujours opportun de faire l’apologie de la mobilité ?

L’humain est fait pour bouger, se déplacer, il en a même besoin physiologiquement. Historiquement, c’est la mobilité qui a permis le progrès. Ce qu’il faut combattre, ce n’est donc pas la mobilité, mais ses inconvénients : l’impact environnemental et les risques en termes de sécurité. C’est notre raison d’être : offrir à chacun une meilleure façon d’avancer.

Concrètement, dès le début de mon mandat, j’ai impulsé une politique visant à conjuguer trois dimensions trop souvent opposées : le développement des personnes, la protection de la planète et de ses ressources, et la performance économique. L’optimisation du processus de cuisson de nos pneus en est un exemple emblématique. Nos presses de cuisson électriques permettent d’économiser jusqu’à 80 % de l’énergie utilisée par la méthode de cuisson traditionnelle à la vapeur. C’est donc un gain économique, écologique, et qui bénéficie aux agents qui ne subissent plus dans leurs ateliers les températures élevées engendrées auparavant.

Nous avons particulièrement conscience de l’enjeu environnemental et de la préoccupation légitime qu’il constitue pour les jeunes… et les moins jeunes !

Ces bénéfices ne sont-ils pas annihilés par les effets de volume de vente en aval ? Si vous réduisez l’empreinte carbone, mais vendez davantage, finalement, votre empreinte carbone s’accroit, non ?

 

C’est un débat intéressant. Il s’avère que si Michelin équipait tous les véhicules en circulation, non seulement il y aurait non seulement moins de morts sur les routes et davantage de confort de conduite, mais aussi, l’humanité aurait besoin de 250 millions de pneus en moins par an, du fait de la longévité des pneus Michelin. Les technologies qui les composent permettent de plus une diminution de la consommation de carburant !

L’activité commerciale et la croissance de Michelin sont donc parfaitement compatibles avec la prise en compte des enjeux environnementaux. En ce sens, il nous faut durcir les normes pour éviter la mise en concurrence avec des pneus produits et vendus à bas coûts au mépris de la planète et des travailleurs.

 

Dans toute la compétition mondiale, le sujet est celui-ci : viser la qualité et non la quantité.

 

C’est ainsi que l’on peut réconcilier croissance et empreinte environnementale et sociale !

Jean-Bernard Levy, Ex-PDG EDF et Ex-Président de la Fondation Viva Fabrica !

Jean-Bernard Lévy a été Président Directeur général d’EDF de 2014 à 2022, et Président de la Fondation Viva Fabrica ! de 2020 à 2023.  Il revient dans cette interview sur les missions et l’impact de cette initiative.

 

Qu’est-ce qui vous a poussé à rejoindre Viva Fabrica ! ?

La Fondation Viva Fabrica ! est née du constat du déclin de l’industrie française : 2 millions d’emplois industriels perdus, soit -40 %, ces 40 dernières années. Or, il est évident que notre croissance, notre rayonnement et notre souveraineté ne seraient pas les mêmes dans une économie exclusivement centrée sur les services.

Lutter contre ce déclin, c’est investir dans l’attractivité et la compétitivité de l’industrie.

Avec la pandémie du Covid et les manques de vaccins, puis la crise des prix de l’énergie, la fragilisation des chaînes logistiques et la guerre en Ukraine, une prise de conscience a eu lieu. Même la Commission européenne adhère aujourd’hui à la nécessité d’une politique industrielle !

La Fondation Viva Fabrica ! peut être fière du rôle qu’elle a joué pour contribuer à ouvrir les yeux des décideurs, et du public en général. Elle nous ouvre aussi les yeux sur les protectionnismes américains et chinois, qui se sont intensifiés ces dernières années.

Pour vous, quel est l’objectif de la Fondation Viva Fabrica ! ?

L’objectif est de valoriser les atouts de l’industrie pour changer son image dans la société, attirer les talents, et faciliter la création d’emplois qualifiés. Ces emplois à pourvoir seront nombreux dans les 10 prochaines années, et seront attractifs pour plusieurs raisons.

Premièrement, pour susciter des vocations, montrons la fierté de travailler dans l’industrie. Concevoir, fabriquer, exploiter des produits et des solutions industriels, ça parle aux gens, aux jeunes en particulier. Les objets industriels, matériels et logiciels, donnent un sens à la notion de progrès. L’industrie est au cœur des défis d’aujourd’hui : décarbonation, technologies, territoires, protection, quête de sens. Avec Viva Fabrica ! nous voulons montrer les contributions de l’industrie à toutes ces questions.

Ensuite, rappelons que les salaires dans l’industrie sont en moyenne plus élevés que dans le reste de l’économie. Enfin, on trouve dans les bureaux d’étude et dans les usines un véritable esprit d’entraide et on y développe la mixité sociale, ce qui permet de lutter contre le sentiment de déshumanisation qui se propage.

Pour résumer, l’objectif de la Fondation Viva Fabrica ! est de contribuer concrètement à la renaissance de l’industrie française, qui ne manque ni d’atouts ni d’énergies pour être mise en lumière.

On dit que vous êtes à l’origine de Viva Fabrica !, c’est ça ?

J’entends souvent qu’EDF serait à l’origine de Viva Fabrica !, mais ce n’est pas vrai. Je voudrais rendre hommage à Bruno Grandjean, qui présidait à l’époque la Fédération des Industries Mécaniques (FIM). C’est lui qui a pris l’initiative de créer la Fondation, et qui l’a présidée les premières années. Chez EDF, c’est Dominique Minière, à ce moment-là responsable du parc nucléaire, qui est venu m’en parler.

Je suis heureux d’avoir pu jouer un rôle actif quasiment dès l’origine, et d’avoir moi-même assuré la présidence de la Fondation après le Covid et jusqu’à l’événement de Lyon, en 2023, qui a été une très grande réussite.

Quels sont les principaux freins et les principales réserves qui entravent le choix de carrière industrielle pour vous ?

Je vois deux grands obstacles.

Le premier, c’est que de nombreux jeunes, pas tous loin de là, mais une minorité, considèrent que la solution à la détérioration de notre environnement passe par la décroissance, la baisse de notre niveau de vie, les privations, au moins dans les pays développés. Pour eux, l’industrie utilise des ressources rares et est cause de pollution, il faudrait donc la contraindre en produisant moins. Alors que, bien évidemment, il s’agit de produire mieux, tout en investissant dans le progrès technique pour assurer notre bien-être.

Le second obstacle, c’est que l’image de l’industrie est encore souvent celle de l’aliénation devant la valeur travail, et particulièrement devant la machine, qui va de pair avec le mépris pour le travail manuel. C’est contre ces deux idées fausses que Viva Fabrica ! se bat, depuis l’origine.

Qu’est-ce qui vous a le plus ému, lorsque vous suiviez Viva Fabrica ! ?

La découverte du monde industriel, de l’usine et du travail manufacturier par des milliers de jeunes passionnés, qui ne demandent qu’à s’engager pour le progrès et pour la planète.

 

Je voudrais partager avec vous l’exemple de ce lycéen, venant d’une région rurale, qui m’écrit directement un dimanche sur LinkedIn, pour savoir « comment on fait pour devenir ingénieur nucléaire ».

 

Quelle joie de pouvoir l’aider à toucher du doigt son rêve en l’invitant avec toute sa classe à l’événement Viva Fabrica de Lyon et en l’aidant à trouver la meilleure formule pour lui après le bac !

 

Nous avons besoin d’ingénieurs et de bâtisseurs pour des décennies, et amener des jeunes dans ces filières d’avenir est un enjeu essentiel.

Interview de Henri Morel, Président de la FIM

Depuis ses débuts, Viva Fabrica ! œuvre à la construction d’un projet qui est porteur de sens pour la filière industrielle, et notamment mécanique. Ce dernier a été initié par Bruno Grandjean qui était alors Président de la FIM (Fédération des Industries Mécaniques). Pourquoi avez-vous décidé de poursuivre cet engagement ? 

Ce projet a vu le jour avec l’appui de la FIM à une époque où l’industrie française était victime d’une certaine forme de dénigrement. Cette initiative répondait donc à un enjeu : changer en profondeur le regard que porte la société sur l’usine. La FIM ambitionnait de la célébrer et d’en faire une source de fierté pour la population, et surtout pour les jeunes. Et de faire vivre une expérience industrielle au cœur des villes ! Plus largement, il s’agissait aussi de créer une vraie marque employeur transverse pour l’industrie.

Notre objectif était alors non pas de promouvoir telle ou telle marque, mais bien de mettre en avant la richesse des métiers industriels. Cela a bien fonctionné, car l’image que portent les jeunes sur l’industrie est bien meilleure qu’elle ne l’était il y a quelques années. Viva Fabrica ! ne peut pas prétendre seule à ce succès. Mais Viva Fabrica ! a évidemment contribué à restaurer les liens entre l’industrie et la jeunesse française.

Les débuts n’en ont pas moins été compliqués puisqu’il a fallu convaincre les acteurs du milieu de la nécessité d’un tel projet. Cela, alors même que bon nombre d’entre eux étaient encore réticents, voire sceptiques. Bruno Grandjean est néanmoins parvenu à convaincre Jean-Bernard Lévy, alors directeur général d’EDF, de s’investir. Cela a permis de remédier à un certain nombre de difficultés, notamment financières, en plus de donner un nouvel élan à l’Usine extraordinaire, rebaptisée depuis Viva Fabrica ! La FIM y a joué un rôle essentiel, en tant qu’initiatrice du projet bien évidemment, mais aussi en tant que médiatrice et facilitatrice. 

La prochaine édition de Viva Fabrica ! se tiendra justement dans les Hauts-de-France, à Lille, un territoire hautement symbolique pour les filières industrielles. L’image de ce territoire est en pleine transformation. Comment Mecallians, qui est la nouvelle marque de l’industrie mécanicienne, participe-t-elle à cette refondation ? 

Il est vrai que le Nord est un vieux bastion industriel en pleine mutation. Le textile a laissé sa place à la distribution. Les megafactories de batteries, l’informatique et la sidérurgie ont supplanté les exploitations minières. 

En s’unissant au Cetim et à l’UNM, pour créer la bannière Mecallians, la FIM participe à cette transition. Mecallians regroupe désormais de nombreux acteurs de l’industrie mécanique. Un premier ouvrage dénommé Une industrie mécanique décarbonée, coécrit avec l’Ademe et notre centre technique, a déjà été présenté lors de Global Industrie, salon incontournable des acteurs de l’industrie française. Loin de se limiter à un manifeste, celui-ci vise à constituer un vrai outil de pilotage et d’assistance.

Mecallians va également lancer la première formation structurante de 18 mois, en collaboration avec Bpifrance. Celle-ci offrira aux chefs d’entreprises de PME membres de Mecallians un certain nombre de méthodes en matière de développement stratégique et autour des enjeux de décarbonation et de neutralité carbone. 

 

On dit souvent que les jeunes ont des exigences supplémentaires, notamment sur les sujets environnementaux. En tant que dirigeant industriel, vous êtes vous-même l’exemple d’une vraie révolution personnelle sur ces sujets. Est-ce que vous avez le sentiment que cette quête de sens constitue encore exclusivement l’apanage des jeunes ? 

Je crois que l’on doit beaucoup à la quête de sens initiée par les jeunes. Celle-ci nous a amenés à repenser notre rapport à l’environnement et à réfléchir à comment réduire les déchets, consommer moins, favoriser l’écoconception ou encore faciliter le recyclage.

Les jeunes ont permis à l’exigence écologique d’être diffusée dans toutes les couches de la société, et dans l’écosystème transgénérationnel d’une entreprise. La réciproque est que ces derniers ont aussi compris que l’industrie fait complètement partie de l’équation. On ne réussira pas la transition environnementale sans l’industrie !

 

Cette prise de conscience ne se limite plus seulement à la jeunesse, mais bien à tous les secteurs, industrie comprise. Cela est d’ailleurs d’autant plus vrai pour la filière mécanique. Tant mieux !