Florent Menegaux, Président du Groupe Michelin

Michelin est mécène de Viva Fabrica ! depuis ses débuts, pourquoi cet engagement ?

Nous sommes aux côtés de la fondation Viva Fabrica ! depuis son premier rendez-vous à Paris, en 2018 !

Le grand succès rencontré auprès des jeunes publics nous a confortés dans la volonté de continuer l’aventure. Les raisons de l’engouement immédiat et de notre soutien tiennent au besoin réel de promotion des métiers de l’industrie. Notre monde est physique. Même la dématérialisation croissante d’un certain nombre de services repose sur des technologies matérielles. Tous ces éléments, indispensables à notre quotidien, sont le fruit de l’industrie, c’est-à-dire des personnes qui y travaillent.

Car l’usine est avant tout un corps vivant, une communauté humaine de personnes issues d’horizons variés et engagées vers un même but commun. Elles sont la preuve que l’usine est un lieu où l’on se développe, où l’on apprend de nouveaux métiers, où l’on partage et crée du lien avec ses pairs. L’industrie est donc à la fois l’endroit où se fabrique le monde de demain, et une université pour tous.

Michelin est un groupe d’envergure mondiale. Quelles différences de perception du secteur industriel relevez-vous entre les différents pays ?

La France se caractérise par une vision de son économie assez compartimentée. Il y a une forme d’imperméabilité. Nous voulons créer des ponts et du dialogue entre le monde apprenant des étudiants et le monde faisant des professionnels. C’est un levier d’attraction essentiel et un moyen pour les jeunes de se projeter.

L’innovation est importante pour rapprocher les jeunes de l’industrie. Cette dernière constitue l’un des atouts reconnus de Michelin, qui combine une histoire plus que centenaire et une capacité d’innovation remarquable. Comment combinez-vous ces deux aspects ?

L’entreprise et l’industrie ne sont pas un musée, mais des organismes vivants. Nous croyons au progrès humain, et les êtres humains progressent en permanence en concordance avec l’innovation. Cette capacité d’anticipation est le secret de la longévité de notre groupe. Aujourd’hui, Michelin se porte bien, et c’est notamment parce que nous nous donnons les moyens d’investir pour le futur.

En parlant d’anticipation, Michelin restera-t-il demain un acteur de pneumatiques ? Et quelle place pour l’innovation dans les produits fabriqués ?

Les produits de notre Groupe vont au-delà du pneumatique au sens strict auquel il est souvent associé. Parce qu’un pneu est un composite formidable, composé de plus de 200 matériaux, combinés avec des technologies uniques pour offrir des performances exceptionnelles. C’est cela notre métier : travailler sur des technologies de pointe pour fournir un objet du quotidien performant et fiable. Mais on ne s’arrête pas à ces produits du quotidien, nous allons plus loin, avec le développement d’applications visant à décarboner les transports, des roues destinées aux engins lunaires, ou encore des tissus capables de réparer le corps humain !

Nous anticipons et innovons en permanence, et avons d’ailleurs adopté un « index de vitalité » à même de mesurer la part de notre chiffre d’affaires imputable à nos nouveaux produits.

La signature de Michelin est « Motion for life », « le mouvement pour la vie ». Mais dans une société où l’empreinte carbone est scrutée, est-ce toujours opportun de faire l’apologie de la mobilité ?

L’humain est fait pour bouger, se déplacer, il en a même besoin physiologiquement. Historiquement, c’est la mobilité qui a permis le progrès. Ce qu’il faut combattre, ce n’est donc pas la mobilité, mais ses inconvénients : l’impact environnemental et les risques en termes de sécurité. C’est notre raison d’être : offrir à chacun une meilleure façon d’avancer.

Concrètement, dès le début de mon mandat, j’ai impulsé une politique visant à conjuguer trois dimensions trop souvent opposées : le développement des personnes, la protection de la planète et de ses ressources, et la performance économique. L’optimisation du processus de cuisson de nos pneus en est un exemple emblématique. Nos presses de cuisson électriques permettent d’économiser jusqu’à 80 % de l’énergie utilisée par la méthode de cuisson traditionnelle à la vapeur. C’est donc un gain économique, écologique, et qui bénéficie aux agents qui ne subissent plus dans leurs ateliers les températures élevées engendrées auparavant.

Nous avons particulièrement conscience de l’enjeu environnemental et de la préoccupation légitime qu’il constitue pour les jeunes… et les moins jeunes !

Ces bénéfices ne sont-ils pas annihilés par les effets de volume de vente en aval ? Si vous réduisez l’empreinte carbone, mais vendez davantage, finalement, votre empreinte carbone s’accroit, non ?

 

C’est un débat intéressant. Il s’avère que si Michelin équipait tous les véhicules en circulation, non seulement il y aurait non seulement moins de morts sur les routes et davantage de confort de conduite, mais aussi, l’humanité aurait besoin de 250 millions de pneus en moins par an, du fait de la longévité des pneus Michelin. Les technologies qui les composent permettent de plus une diminution de la consommation de carburant !

L’activité commerciale et la croissance de Michelin sont donc parfaitement compatibles avec la prise en compte des enjeux environnementaux. En ce sens, il nous faut durcir les normes pour éviter la mise en concurrence avec des pneus produits et vendus à bas coûts au mépris de la planète et des travailleurs.

 

Dans toute la compétition mondiale, le sujet est celui-ci : viser la qualité et non la quantité.

 

C’est ainsi que l’on peut réconcilier croissance et empreinte environnementale et sociale !